Dans le ghetto de Prague, Pragol, au milieu d’une cohorte d’ombres, Jacob, fantôme lui-même, entend des voix, des voix insupportables qui l’incitent à fuir, n’importe où pourvu que ce soit ailleurs, jusque dans le Transvaal, un entre deux mondes où règne Rabi, en mal de puissance. Où vont le mener ses pérégrinations ? Dans l’esprit et l’esthétique du XIXe siècle, ce roman exigeant se lit comme un conte fantastique étiré par l’ampleur du récit et des descriptions somptueuses et terrifiantes des lieux, entre Moyen Âge et tragédies du siècle dernier. Nourri de références à la Kabbale, le texte peut faire craindre l’érudition, mais échappe à l’entre soi par l’humour et la désinvolture de son auteur. Au-delà de l’histoire hallucinée qu’il raconte, il pose la question essentielle du statut de l’être humain, réglée – mal réglée – par les religions. Son Juif errant est en quête de savoir, en quête d’ancrage, en quête d’autrui. On découvre avec lui le poids des mots, celui du Verbe, sa force et sa vanité. La langue de l’écrivain s’en fait l’écho, incohérente, redondante, elliptique, et essentiellement poétique. Peut-être la seule voie pour effleurer le sens du monde. (C.B et T.R.)
Des voix
CANDRÉ Manuel