Emma, un jour d’hiver, a conduit sa mère, désormais hémiplégique et aphasique, de la loge de concierge où elles vivent à l’hôpital. Thérèse et sa fille vont partager, pour un temps indéterminé, la même chambre, la même attente rythmée par les impératifs des soins, la même intimité. Le silence de l’une, le bavardage délibérément positif de l’autre, laissent à Emma du temps pour penser, se souvenir. Agnès lacor décrit avec sensibilité ce huis-clos mère-fille où les rôles se sont inversés. Sollicitude, douceur, pudeur dans l’inévitable impudeur du corps nu de la malade. On peut être ému par ce lien si fort ; on peut y voir aussi la marque d’une dépossession de l’une et de son appropriation jalouse par l’autre. Les mots justes laissent au lecteur cette liberté. D’autant que, en arrière-plan, nourrissant le récit, d’autres corps se profilent à demi-mots qui racontent les tentatives amoureuses de la jeune fille. La chair est vraiment triste quand aucun sentiment ne l’anime : trois figures de ce schéma bancal nourrissent le propos dur, amer, désenchanté de la romancière qui n’a peur ni de la crudité de la langue ni de l’humour qui sauve du désespoir. Un roman à fleur de peau. (C.B. et A.M.D.)
Drôle d’hiver
LACOR Agnès