Septembre 1939, Varsovie est occupĂ©e par les Allemands. Misja raconte : sa famille est juive et le jeune adolescent dĂ©couvre ce que cela signifie quand le quartier de son enfance est transformĂ© en ghetto. Ă lâincomprĂ©hension succĂšde la rĂ©volte devant les conditions de vie auxquelles sont rĂ©duits les siens. Il met son ingĂ©niositĂ© dâenfant, sa dĂ©brouillardise, son courage autant que son inconscience au service de leur survie avant de sâengager radicalement au sein dâun petit groupe de rĂ©sistants.Un roman de plus sur le ghetto de Varsovie ? Non, un roman diffĂ©rent. Il nâĂ©dulcore rien, sous prĂ©texte de la jeunesse de ses lecteurs, du scandale auquel lâHistoire nous a accoutumĂ©s : la vie quotidienne dans le ghetto est dĂ©crite en termes prĂ©cis, factuels et bouleversants. Au fil des jours, le rĂ©cit portĂ© par le jeune narrateur alterne la description du quotidien gangrenĂ© par la promiscuitĂ© quâimpose le remplissage du ghetto et les folles escapades nocturnes de lâadolescent, hĂ©ros sans le savoir, dâun roman dâaventure glaçant. Lâessentiel est dit, dĂšs la page 13 : « Je ne mâĂ©tais encore jamais senti aussi juif ». En mots simples, la romanciĂšre rejoint les RĂ©flexions sur la question juive de Sartre : le nazi fait le juif Ă coup de brimades autant que dâinterdits face auxquels la soumission semble la seule rĂ©action humainement possible. A ce conditionnement, dit-elle, on peut se soustraire : lâitinĂ©raire du hĂ©ros passe de la sidĂ©ration Ă la rĂ©volte spontanĂ©e puis rĂ©flĂ©chie. Dans ce roman, dĂšs lors tonique, les jeunes hĂ©ros dâAline Sax ne se comportent pas en victimes. Ils savent quâils mourront, mais debout. Le lecteur sait, de son cĂŽtĂ©, que Misja, le narrateur, a Ă©chappĂ© Ă la mort. La tension dramatique est moins insoutenable sans que soit rĂ©duite la force de ce roman dâapprentissage au coeur de lâinhumain.Son autre intĂ©rĂȘt rĂ©side dans sa forme. Les couleurs du ghetto ? La noirceur du rĂ©cit est confirmĂ©e et prolongĂ©e par le crayonnĂ© charbonneux de son illustration : des mots aux images, le ghetto sâimpose dans sa brutalitĂ© noire ; mais il y a aussi lâĂ©clat insolite du plumage dâune perruche pour dire quâaucun mur nâest infranchissable. Sâajoute Ă cela lâoriginalitĂ© de lâĂ©criture, dans une excellente traduction : sur une page tantĂŽt blanche, tantĂŽt noire, la sĂ©quence imprimĂ©e, phrase ou paragraphe, prend des allures de poĂšme en prose. La musique de la langue ajoute Ă la force des mots pour faire entendre lâindicible. Un travail remarquable ! (C.B et P.E.)
Les couleurs du ghetto
SAX Aline, STRZELECKI Caryl