Dans l’oeil du démon

À la demande expresse, quoique peu claire, de Sonomura, son meilleur ami très fortuné, Takahashi, romancier, assiste en cachette et avec lui, dans un quartier sordide de Tokyo, à un crime étrange. Un couple s’apprête à dissoudre, dans une baignoire pleine d’acide, un homme bedonnant en queue-de-pie, préalablement étranglé par la femme – séduisante, malgré un visage ambigu. Sonomura serait-il fou – comme d’autres dans sa famille –, complice dangereux des assassins, affabulateur suprêmement intelligent, juste farceur ? Ou tout autre ?…  Ce court récit du célèbre romancier japonais (1886-1965) Tanizaki (Noir sur blanc, NB Juillet-août 2018) a été publié en 1918. Il oscille entre réalité et fiction dans une abondance de détails qui tantôt accentuent le mystère, tantôt rendent les faits très crédibles. Certes, cet auteur peut rester encore « étrange étranger » aux yeux du monde occidental. Il proposait déjà un théâtre de marionnettes où les personnages au double visage – un amoureux transi carrément fou, une jolie « geisha » (apparemment) – sont manipulés dans un espace réel et imaginaire. Bien sûr érotisme et masochisme ont leur place (on est chez Tanizaki…), mais non sans discrétion ni raffinement. (C.-M.M. et M.-C.A.)