La session parlementaire s’ouvre à Reykjavík dans un grand déploiement de solennités abondamment couvertes par la télévision. Mais c’est étrange : le mont Esja brûle, couvrant la ville de fumée, des femmes tombent des immeubles par centaines, des manifestants tournent sans fin sur la place du Parlement et, finalement, des tempêtes de sable anéantissent le pays. La crise est là et fait le lit de la Révolution. Le député Halldor Gardar s’est réfugié à l’hôtel, mais une fillette marocaine, privée de ses parents, vient implorer son aide.
Gaeska, La Bonté, traduit en 2019, a été publié en 2009, avant Illska, Le Mal (NB octobre 2015) et Heimska, La Stupidité (NB janvier-février 2017), mais a la même puissance critique. Eiríkur Örn Norđdahl dénonce le pouvoir masculin, égoïste et jouisseur, qui opprime les femmes et refuse d’accueillir les immigrés. La prise du pouvoir par celles-ci instaure en Islande, au lieu de la cupidité, de l’appétit de jouissance matériel et sexuel, un monde fraternel et solidaire. Le roman, solidement charpenté en journée et tranches horaires, souvent déjanté, est dénué de tout bon sentiment. Un style percutant, qui manie à merveille dérision et humour, notamment dans sa critique acerbe du parlementarisme et de l’union du pouvoir et de l’autel, donne toute sa force aux propos de l’auteur. (C.R.-G. et A.Be.)