Ces mémoires couvrent une courte période de la vie de Sándor Márai et de l’histoire hongroise : au régime nazi succèdent les combats de 1945 pour la « libération » par les Soviétiques et l’instauration de la toile d’araignée communiste à laquelle l’écrivain échappera en émigrant définitivement en 1948. Réfugié, sa maison villageoise convertie par les Soviétiques en atelier de réparation, il expérimente l’implacable brutalité des dirigeants, constate pillage et exécutions. Son appartement comme son passé bourgeois d’écrivain reconnu (à une époque où l’Écrivain était une figure centrale) sont réduits en cendres au siège de Buda. Le pays est mis en coupe réglée, la propriété privée disparaît et Sándor Márai s’interroge sur sa position d’écrivain « occupé », sur la fin d’une culture humaniste, sur l’accélération inouïe de l’Histoire. Il croque d’un trait souple, sensible, parfois vengeur, situations et personnages, dans ce contexte de désolation qui met à nu les caractères. Un monde souvent injuste et guindé s’écroule, un autre, pire, le remplace. Son pessimisme justifié par les événements n’enlève rien à sa lucidité et à sa finesse d’analyse. Elles font l’intérêt littéraire et politique de ces pages.
Mémoires de Hongrie.
MÁRAI Sándor