Cette double « autobiographie » de deux Françaises, une grand-mère, Anne-Marie Lotte, et sa petite-fille, Lucile Gubler, est centrée sur leur vie à Moscou. La première y vécut de 1937 à 1946 dans des conditions sociales, familiales et politiques aussi pénibles que compliquées. Marquée par la peur permanente, l’espionite policière, la misère extrême, rarement entrecoupées de moments apaisants, elle s’enfuit quasi-miraculeusement avec ses deux enfants vers sa patrie où, à partir de cahiers inachevés, récits, entretiens, sa descendante décrit son existence chaotique. Celle-ci apprend le russe et, à partir de 1977, fait des séjours moscovites, touristiques et universitaires. Elle retrouve, atténuées mais implacablement décrites, les sensations et pratiques antérieures : incertitudes, saleté, odeurs, queues, flots de vodka, logements exigus, système D ; mais aussi cousins, amis, humour, religiosité superstitieuse, fascination. Pour ces deux femmes si marquées, chacune à sa manière, subsiste cependant, plus fort que l’acrimonie, un irrésistible attachement : le fameux charme slave sans doute. Deux récits vivants qui, malgré quelques non-dits ou passages allusifs, donnent une peinture saisissante de la Russie à deux moments de son histoire.
Parlez-moi d’amour : une Française dans la terreur stalinienne.
GUBLER Lucile, LOTTE Anne-Marie