Les idéologies meurtrières du XXe siècle ont entraîné une “décroyance”, elle-même génératrice d’une société du vide, mais bientôt les croyances ou plutôt les crédulités sont revenues en force. Certaines témoignent d’un saut délibéré dans l’irrationnel ; désarrimé de tout croire collectif, chacun adhère à n’importe quel credo-magie. D’autres idolâtries prolifèrent sur les terrains de la science, de l’économie, des médias, d’autant plus redoutables qu’elles se déguisent insidieusement sous le masque du savoir ; comme toutes les institutions, le fondamentalisme les menace ; une forme de cléricalisme y est à l’oeuvre, pathologie de la croyance qu’il faut laïciser. Chaque individu, chaque communauté ayant un besoin impérieux de foi pour accéder à son humanisation, comment restaurer une capacité de croire non dogmatique, exempte de tout fanatisme porteur d’excès meurtriers, pour construire un “vivre ensemble” ?
Avec sa compétence et son talent habituels (Le goût de l’avenir, N.B. nov. 2003), Jean-Claude Guillebaud poursuit sa quête sur l’homme, le sens de la vie, l’évolution des idées dans le monde moderne. Les références historiques, philosophiques, les remises en question et en perspective enrichissent la réflexion. Le style alerte facilite l’effort exigé par cet ouvrage riche et dense.