Dans cette série de nouvelles, une fantaisie débridée le dispute à une lucidité impitoyable, dérangeante. Les personnages trichent, rusent, feignent leurs sentiments. Tout est tourné en dérision : la mort, l’amour, l’armée, la religion… tout mis sur le même plan : l’assassinat de Rabin, en parallèle avec le décès d’un chaton ; l’enterrement d’un ami avec le trépas d’un essaim de cafards. Des détails dérisoires, burlesques jouxtent le tragique. Les relations sexuelles se nouent et se dénouent apparemment sans raison sinon futiles, farfelues. Autrefois, quand un condamné passait sur la chaise électrique une chute de tension le signalait, les gens interrompaient leurs occupations, désormais la piqûre létale permet à chacun de vaquer sereinement à ses affaires. Le protagoniste de la dernière histoire, incapable de décision, dont le nom suggère l’insanité, l’inconsistance, serait-il « un homme sans tête », titre du recueil ? Maints rapprochements incongrus prêtant à rire permettent sans doute de supporter la fausseté, la cruauté d’un humour parfois cyniquement macabre qui imprègnent ces textes doux-amers à déguster à petites doses.
Un homme sans tête et autres nouvelles.
KERET Etgar