Voilà un bien curieux feuilleton qu’Irène Némirovsky publia dans les pages de la revue littéraire, « Gringoire », de mai à août 1939. On est en 1920, à Nice. Le maître des âmes, c’est le docteur Dario Afsar, arrivé de Crimée en France avec sa petite femme, Clara. Irène Némirovsky trace ici le portrait du levantin, du Juif errant, « métèque mal habillé et mal rasé » qui essaie de sortir de la boue, obsédé par son besoin d’argent et d’ascension sociale. Il sera prêt à tout, même à se transformer en charlatan utilisant la psychanalyse naissante pour en faire le commerce des âmes. La lauréate du prix Renaudot 2004 (Suite française, Livre du Mois, NB décembre 2004) décrit également, avec une plume acérée, la société de son époque, portraits cruels de bourgeois et de femmes du monde, ignorants, arrogants et cupides. Sa collaboration à « Gringoire », journal antisémite et collaborationniste, est stupéfiante. Elle fut accusée d’antisémitisme, « je n’ai jamais songé à dissimuler mes origines, proteste-t-elle. » Cependant, elle ne se sentait au fond d’elle-même ni juive, ni russe, mais l’écrivain français qu’elle était devenue.
Le maître des âmes.
NÉMIROVSKY Irène