Ce premier roman très troublant a été écrit par une énarque, haut fonctionnaire, spécialiste de questions de sécurité et de géostratégie. C’est la vie d’un moudjahidin, « tortionnaire de talent » pendant la guerre d’Afghanistan, racontée par lui-même. Issu d’une terre torturée par le vent et le froid, séparé avec barbarie d’une mère fusionnelle au sein de laquelle il a bu la haine, éduqué par un père cruel, il est d’un érotisme empêché et exacerbé et commet des sévices d’un raffinement diabolique. Au terme du récit de son itinéraire et de ses choix politiques, il conclut : « je m’exerce, par le verbe, à l’ablation de votre sens critique. » Comme il le fait de l’ablation des paupières.
Dans l’ambiguïté où se côtoient horreur et esthétique, en deçà de toute éthique, ce livre, presque insupportable, d’une belle écriture, « poésie de la cruauté », exprime, plus qu’il ne dénonce, l’indicible réalité. D’une puissance troublante, c’est un génial hurlement d’alarme qui force à garder les yeux grands ouverts sur les perturbations mentales de toute une société. Plus efficace que de longs discours.