« Fille de tondue », « enfant de Boche » mais surtout nourrisson délaissé par sa maman de dix-sept ans, Suzanne la bâtarde fut bercée d’injures. Orgueilleuse, la dame qui avait voulu l’adopter donna cette explication avant de la rendre à l’Assistance publique. Commence alors, en 1946, à quatre ans, la vie d’orphelinat sous la férule de religieuses impitoyables ; le froid, la faim, les ordures à charrier, le vin à aller mendier dans les fermes pour la congrégation… La petite résiste à tout puis se rebelle à l’adolescence, passe son certif, son bac et s’en sort brillamment parce qu’elle avait une « sacrée trempe ». Sa mère reste en filigrane dans sa vie. Suzanne la retrouve à l’âge adulte pour s’en détacher enfin et, toute honte bue, pardonner.
Ce récit-témoignage de Suzanne Lardreau, rayonnante grand-mère, frappe par son optimisme et l’humour féroce des pages âpres à la Jules Renard. Dans la veine des « Choristes », ce huis clos au sein des orphelinats d’antan fait vibrer les coeurs sans tomber dans le mélo sépia.