Voici le portrait sombre et émouvant d’un petit village perdu de Galicie, dans les montagnes des Beskides, tout au sud de la Pologne, après la chute du communisme. Les habitants sont, déjà à quarante ans, à l’image des vieux tracteurs rouillés, du bar au mobilier cassé, de l’emplacement de l’église orthodoxe démontée pour un musée, de la forêt saignée par l’abattage des arbres. Dans cette misère, la chaleur est caniculaire en été et le froid glacial en hiver, les habitants vivent accompagnés de l’odeur permanente de l’alcool, du retour des fantômes et de la violence du passé. Ils sont désemparés, voire nostalgiques du précédent régime, mais ils racontent.
Si Dukla (NB août-septembre 2003) était le livre de lumière d’Andrzej Stasiuk, en voici l’ombre, ses personnages sont attachants, décrits avec tendresse et l’on se prend à souhaiter pour eux quelques lueurs d’espoir en ces temps de mutation. On peut lire séparément l’histoire de chacun, mais l’âme du village se dégage progressivement d’une lecture continue, même si elle est complexe. L’écriture est toujours très belle, les métaphores saisissantes dans le rapprochement entre les hommes et la nature.