De menus décalages avec le réel donnent vite l’impression de circuler dans un rêve, peut-être celui du héros, ce vieux professeur modeste et fatigué qui prend le train pour Lyon. Il s’y rend à un congrès traitant de littérature sud-américaine, dont il est spécialiste. Veuf inconsolable, il travaillait avec sa femme sur le nom d’un personnage, Funes, apparaissant plusieurs fois dans l’oeuvre de Borges, mais aussi chez Cortázar ou peut-être Bioy Casares, d’autres encore… Lui-même s’appelle Funes, tout comme le docteur appelé pour son soudain malaise. Le rêve dérive, ses collègues exploitent à sa place son sujet de recherche Tous les Funes, et son état s’aggrave rapidement, malgré les tendres soins d’une poétesse chilienne.
Le lecteur flotte allégrement sur ces méandres onomastiques, suit le professeur de gare en taxi, en restaurant, en dîner, en lit d’hôtel, rencontre des personnages étonnants, un aveugle entre autres (plaisante référence à Borges) et se réjouit de cet exercice littéraire onirique écrit en abîme, dans la belle veine des illustres prédécesseurs, alliant l’humour, l’érudition et la simplicité légère du récit. (cf. Le désordre électrique, NB mai 1999).