Ombre sultane.

DJEBAR Assia

Les premières pages annoncent – obscurément – l’histoire à venir : une femme algérienne, apparemment instruite et libre, a divorcé d’un homme aimé. Telle une sultane du harem, elle choisit pour lui une seconde épouse, soumise comme la tradition l’exige, qui la remplacera. Ainsi, autour de “l’Homme”, les vies des deux femmes s’entrelacent; les souvenirs  reviennent. Surtout, est dénoncée la condition de servantes et d’esclaves des musulmanes, aujourd’hui encore voilées, enfermées à vie sous la tutelle des pères, des frères ou des maris et sous la garde vigilante des mères et du voisinage. La sexualité semble être le plus souvent honteuse, furtive et brutale. Le ton grave, exalté, fait affleurer une poésie musicale dans ce texte lyrique au vocabulaire recherché. Malgré tout, certaines évocations de ces vies cloîtrées, les scènes de hammam avec les commérages des femmes, apparaissent nimbées de bonheur. La narratrice semble vivre dans l’ambiguïté la soif de libération qui est celle des « ombres sultanes », prisonnières derrière leur voile. Le livre est déjà paru en 1987. L’auteure sera reçue à l’Académie française en juin 2006.