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Pour ne pas sombrer, l’auteure – aujourd’hui décédée, volontairement anonyme – a tenu deux mois son journal, lors de l’arrivée des Russes dans Berlin. Âgée d’une trentaine d’années, cultivée, elle travaillait dans une maison d’éditions et parlait plusieurs langues dont le russe. Les conditions de vie – ruines, famine, manque d’eau, la peur permanente, bombardements, viols, pillages –, ont dégradé les relations entre ceux qui sont restés dans la ville vaincue, ont anesthésié leurs émotions. « Les coeurs se sont vidés », ce texte poignant en est le reflet nécessaire.
Le lecteur reçoit comme un coup ce témoignage féminin authentique, ce qui fait son intérêt. Durs et secs, d’une écriture à vif, des faits brutaux qui claquent : les hommes tuent, violent et boivent. Dans ce contexte, l’auteure, sans haine, développe des défenses. Plutôt qu’être encore violée et avilie, mieux vaut se prostituer pour un morceau de lard, reconstituer un semblant de vie et, dans une paix relative, la pensée reviendra. Une dignité terrible, incomprise par les hommes à leur retour. Mais « vaincre la mort rend plus fort. »