Dans une veine délibérément littéraire, rehaussée de citations d’illustres auteurs occidentaux et arabes, Mohamed Leftah reprend la longue tradition arabe, celle des poèmes d’amour mystique ou profane et des Mille et une nuits. Il célèbre la “fosse”des délices, ces limbes “paradis des païens de bonne foi” où chaque nuit s’élabore rituellement l’ivresse de l’alcool et du sexe. Il s’agit en fait du sous-sol d’une boîte de nuit de Casablanca, réservé à quelques habitués. Là, dans de sombres et savants plaisirs transmutés par la magie de l’écriture, se mène le combat contre la rigueur de la “cité solaire”, qui veut étendre sur tous son empire barbare. Là se parcourent les voies exquises du plaisir, hétérosexuel, homosexuel, pédéraste, zoophile, là l’eau-de-vie fait oublier les blessures de l’enfance et les menaces extérieures.
Mais ces temps sont révolus, prostituées au grand coeur, travesti automutilé, nubien eunuque ont été vaincus par la brutalité du régime ou de la maladie. Restent la force subversive du roman, son érotisme trop complaisant, son écriture soignée, son parti pris culturel et son combat contre l’islam intégriste.