Imaginons un monde oĂč les rĂšgles sociales, morales seraient dĂ©construites, oĂč les vivants assumeraient leurs pulsions, additionneraient leurs nĂ©vroses et se renverraient leur dĂ©sespĂ©rance. Voici cet univers. Nous entrons par ordre alphabĂ©tique dans ces cinq cents microbulles qui s’irisent et Ă©clatent en une page et demi, savon mousseux et sale, reflet des obsessions de l’auteur (Prix Femina 2005 pour Asile de Fous, NB octobre 2005). MĂ©pris du sexe, haine de la famille, de la filiation, et cependant tous ces rĂ©cits parlent d’amour. Nous chercherions, en vain, apitoiement, Ă©motion ; le moindre zĂ©phyr de tendresse est balayĂ© par une dĂ©ferlante de violences aux images fracassantes et cyniques.
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Alors pourquoi ce lourd opus, Ă nul autre comparable, se dĂ©guste-il savoureusement avec lâimpression tout de mĂȘme dâĂȘtre prisonnier d’un exercice cĂ©rĂ©bral, dâun jeu brillant, dâun procĂ©dĂ© savant, efficace ? « Je » (quiconque) expose le sujet en phrases courtes au prĂ©sent ; une sentence, un fragment de dialogue l’interrompt et une conclusion des plus logiques ponctue une situation thĂ©ĂątralisĂ©e, absurde. Humour, autodĂ©rision laissent le lecteur pantois dans sa jubilation consternĂ©e.Le romancier croit-il Ă son univers de l’absurde ? Il condamne l’humanitĂ© mais sauverait volontiers de l’anĂ©antissement l’Ă©crivain â lui-mĂȘme â et son irrĂ©pressible besoin de s’exprimer.