Est-ce le vocabulaire insolite, les temps verbaux inappropriés ? Ce récit, trahi par sa traduction, peut sembler incohérent, comme son héros, philosophe de vingt-trois ans, hautain et dédaigneux des bassesses du monde tout en s’ennuyant d’une vie mondaine. Il méprise les femmes et s’éprend d’une exquise étudiante blonde, l’épouse, se croit trompé, rompt, renoue, doute à nouveau, veut tuer l’infidèle et son amant présumé. Mais la guerre éclate – nous sommes en Roumanie, en 1916. Le danger, la souffrance et la mort, la peur et la bravoure inutile dans le grotesque chaos de la débâcle, tout cela estompe les affres d’une jalousie devenue lointaine. Et comme la blonde lui paraît maintenant laide… Camil Petrescu (1894-1957) écrit peut-être une autobiographie. En tout cas, son récit circonstancié de la guerre est d’une acuité documentaire. Presque trop. Certaines pages, magnifiques, éclatent du tonnerre des bombes, d’autres dissèquent les passions souffrantes avec une subtilité de fin de siècle. Une société durement hiérarchisée, éprise de divertissement, va disparaître. Cette apocalypse annoncée et la finesse ironique des analyses imprègnent le roman, malgré ses inégalités, d’un parfum précieux.
Dernière nuit d’amour, première nuit de guerre
PETRESCU Camil