Qui sont aujourd’hui les « pervers » et qui ont-ils été ? Au Moyen Âge, la perversité oscille entre sublimation et abomination, entre grands mystiques follement pénitents et monstres tel Gilles de Rais. Avec Sade, indignement éduqué, le besoin de pervertir accompagne la jouissance du mal. Au XIXe siècle, médecins et familles bourgeoises traquent les trois perturbateurs de l’ordre social : l’enfant masturbateur, l’homosexuel et la femme hystérique. Au XXe, Auschwitz pose la terrible question de la banalité du mal dans un système pervers. Aujourd’hui, certaines perversions sont cataloguées en maladies prétendument curables, d’autres, autrefois punies de mort comme la zoophilie, sont librement pratiquées. L’homosexualité n’est plus une perversion, ni une maladie. Mais le mal resurgit avec deux figures dominantes : le pédophile et le terroriste… La part obscure de nous-mêmes n’est pas niable, elle pourrait se sublimer par la civilisation et la culture, par la transgression, mais la seule recherche du profit a désormais perverti nos sociétés, abolissant les frontières entre bien et mal. Novatrice, pédagogue (La famille en désordre, NB décembre 2002), Élisabeth Roudinesco écrit lisiblement cet essai nourri de psychanalyse, d’exemples historiques et littéraires. Elle parcourt les siècles en historienne, cite, commente, compare : une avancée importante sur cette route de ténèbres.
La part obscure de nous-mêmes : une histoire des pervers
ROUDINESCO Elisabeth