Un roman russe

CARRÈRE Emmanuel

Après l’horreur et la folie de L’Adversaire (NB février 2000), Emmanuel Carrère tente une plongée salvatrice au coeur de ses origines russes. Aussi se passionne-t-il pour un prisonnier de guerre hongrois oublié pendant plus de cinquante ans dans un asile psychiatrique au fin fond de la Russie. Le pauvre hère lui rappelle son grand-père, émigré géorgien, probablement tué à Bordeaux en 1945 pour avoir été pro-allemand. Le film-reportage qu’il veut faire sur le sujet s’annonce décevant, glauque… Parallèlement, l’auteur dédie à sa compagne une nouvelle érotique, programmée pour paraître dans « Le Monde » le jour de leurs retrouvailles. Mais rien ne se passe comme prévu : leur liaison se brise, la jeune héroïne russe du film est assassinée, l’ombre honteuse du grand-père reste oppressante tandis que, sanglée dans sa dignité d’académicienne, la mère, Hélène Carrère d’Encausse, apparaît en filigrane, fermée sur son secret. Au fil d’un sombre et tortueux récit, à l’image de la personnalité de l’écrivain, vie et oeuvre ne font plus qu’un pour déverrouiller les non-dits dans la transgression et l’exaltation douloureuse des grands romanciers russes. Au-delà de toute pudeur, une performance !