Les déchirements

NYSSEN Hubert

Pari difficile : sans guillemets ni tirets, un narrateur, tout en les commentant, transcrit ses conversations avec sa belle-soeur, qui évoque elle-même ses conversations avec un mari défunt. Le lecteur s’y retrouve cependant, parmi les « me dit-elle, je lui dis, me disait-il », un peu moins dans les détails progressivement imbriqués d’amours et d’histoires familiales, entrecoupés d’épisodes récents. Le narrateur, homosexuel, apprend qu’un fantôme a hanté le couple de son frère : une enseignante provocante que le mari, alors collégien, n’a pas osé séduire, morte depuis en déportation, peut-être écartelée (d’où l’ambiguïté du tire). Tandis qu’hésitations et regrets fantasmés du frère sont longuement évoqués, le passé se répète : la belle-soeur, de plus en plus aguichante, tente de séduire le narrateur, malgré la crainte qu’inspire à ce dernier le sexe féminin.  Recherché, presque affecté, le récit éclate volontiers en expressions grossières ; en parallèle, le raffinement des protagonistes s’accompagne en sourdine d’une sexualité oppressante, aux accents parfois sadiques. Malgré sa construction virtuose – ou est-ce à cause d’elle –, ce roman d’un éditeur et essayiste reconnu (Neuf causeries promenades, NB janvier 2007) ne retient pas.