En entreprenant de couvrir Les années, écoulées entre 1940 et maintenant, Annie Ernaux ne change pas de cap. Elle donne seulement une plus large envergure aux exercices autobiographiques qu’elle a pratiqués dans chacun de ses livres, sur son milieu social, ses amours, ses maladies… (L’Occupation, NB mars 2002 ; L’Usage de la photo, NB mars 2005). Pour cerner ce qui appartient au collectif, à sa mémoire individuelle, et « rendre compte de la dimension vécue de l’Histoire », elle s’appuie ici autant sur les chansons, slogans publicitaires, faits politiques datés dont elle se souvient, que sur son journal intime, des photos personnelles, des faits politiques… Dans ce parcours de vie envisagé sous l’angle sociologique, « Je » disparaît au profit de « on, nous, elle », seuls capables d’objectiver le propos. Au milieu d’événements minuscules et majuscules mêlés dans une grande fluidité, c’est à l’avènement d’une sexagénaire, bénéficiaire d’acquis culturels, sexuels, et de consommation qu’on assiste. On ne peut qu’admirer la performance du projet d’écriture malgré des inventaires répétitifs et constater que, l’âge aidant, un peu d’émotion filtre entre les interstices du texte.
Les années
ERNAUX Annie