Mauvaises nouvelles de la chair

Le verbe vigoureux, sensuel, cocasse et poétique de Marie Rouanet (Luxueuse austérité, NB octobre 2006) évite le piège de l’ennui si souvent lié aux plaidoyers académiques militants. De naissance en élevage, de gavage en abattage, elle raconte les conditions de la pitoyable vie des poules, canards, moutons, vaches, cochons, truites, saumons destinés à nos assiettes. Des chiffres rigoureux d’expérimentateur confirmé, des mots choisis, crus et tendres de conteur fabriquent un style inimitable. Très efficace. On emboîte le pas, galvanisé par cet air de marche subtilement engagé. Touché par ces finales nostalgiques. Halluciné par les spectacles rencontrés. On traverse des hangars où un jour chiche et artificiel troue l’obscurité entretenue. Là, tout n’est que promiscuité confinée, mobilité contenue, éjaculats imposés, sélectionnés, programmés, fractionnés pour des inséminations optimales. La connaissance humaine rationalise, organise, économise, traçabilise. Rentabilise. Sans écologisme simpliste, l’auteure se demande si c’est le bon calcul pour pérenniser la qualité du vivant.