Première moitié du XXe siècle : Damasa et ses frères et soeurs vivent à Toledo, le quartier espagnol de Naples, humide et glauque, qui s’ouvre sur le port. Une apparente impassibilité voile la nature incandescente et rebelle de la fillette, qui rejette à dix ans l’enseignement scolaire et s’éloigne volontairement de l’Église. Entre cauchemars et tourments, elle découvre la flamme vacillante mais néanmoins salvatrice de l’écriture.
Composé en 1969, ce livre contient les tout premiers textes et poèmes d’Anna-Maria Ortese (1914-1998). Ils tissent la trame ardente sur laquelle chemine Damasa, intuitive, solitaire et exaltée, double de l’auteure. Ces écrits sibyllins (tentatives de l’adolescente de fixer les visions fugitives de son esprit) se fondent dans l’ensemble, lui aussi étrange, reflet d’un monde exprimant l’invisible et les rêves, et qui devient une « seconde réalité irréelle ». Du mystère de ces pages exsude un quotidien de pauvreté, de privations, endeuillé par la mort et noirci par la guerre. Il faut consentir au surnaturel, se laisser porter par les vagues de douleur et de joie mêlées, entraîner par les rouleaux de poésie pure, pour être alors, dans le sillage de L’Infante ensevelie (N.B. août-septembre 2003), touché par la grâce de l’ouvrage.