La jeune fille rangée de la couverture ne laisse rien deviner de son histoire difficile : guerre, mère juive et grands-parents déportés, père catholique, buveur et léger… Peut-être y a-t-elle puisé sa soif de vivre et d’apprendre qui l’a toujours conduite au bon moment auprès des bonnes personnes ? Féministe et gauchiste bon teint, normalienne philosophe, elle devient enseignante, communiste, journaliste, romancière, essayiste, attachée au quai d’Orsay, et aquarelliste de surcroît. Sa pensée galope, son parcours explose, de son Inde bien-aimée à l’Afrique des Dogons, d’Afghanistan au Bhoutan, la propulsant aux premières places. Elle célèbre Jankélévitch et Lévi-Strauss, amis et maîtres à penser, et Lacan, moins familier, évoque d’autres amis par centaines, chefs d’État, politiciens, écrivains, artistes, leurs moments partagés, leurs pleurs de tristesse ou d’euphorie.
Un style et une syntaxe syncopés, des déroulements de conteuse animent ce prodigieux parcours, le tempo se fait largo pour parler philosophie, politique ou psychanalyse, il va agitato pour évoquer le quotidien d’une ambassade ou d’une rédaction de la presse parisienne, et ralentit à l’andante avec les deuils, les cahots familiaux et amoureux. Voilà une mémoire bien pleine, approximative peut-être.