Mangez-le si vous voulez

TEULÉ Jean

AoĂ»t 70. Canicule et sĂ©cheresse. L’Écho de la Dordogne relate les premiĂšres dĂ©faites de la France face Ă  la Prusse. Une parole mal interprĂ©tĂ©e dĂ©chaĂźne soudain l’ire des villageois contre un jeune homme aisĂ© du pays venu s’amuser Ă  la foire du hameau. Violemment pris Ă  partie, en dĂ©pit de quelques mains secourables, il est battu, torturĂ©, mutilĂ©, brĂ»lĂ© vif
 pour finir, en partie, mangĂ© !  AprĂšs avoir brossĂ© avec verve la frĂ©nĂ©sie sexuelle du siĂšcle de Louis XIV avec Le Montespan (NB mai 2008), Jean TeulĂ© s’empare d’un fait divers historique – ayant donnĂ© lieu Ă  procĂšs et condamnations – pour dĂ©noncer via une courte fiction l’imbĂ©cillitĂ© et la cruautĂ© des hommes pris dans l’hystĂ©rie d’une foule. Habile et minutieux conteur, il reconstitue et fait vivre un effroyable calvaire, n’épargnant aucun dĂ©tail, soulignant l’ivresse et les passions malsaines qui en moins de deux heures font basculer la fĂȘte dans l’ignominie. Vision souvent insoutenable et, comme au cinĂ©ma oĂč il arrive que le spectateur ferme les yeux, ici le lecteur mis en situation de tĂ©moin impuissant, de voyeur, saute des lignes. Âmes sensibles s’abstenir. Reste une question : faut-il montrer l’horreur pour dĂ©noncer l’horreur ?