« Le tour, c’est fou », disait Dali. Chaque année depuis 96 ans se dispute le Tour de France, un phénomène social, un monument, une institution. Les coureurs d’aujourd’hui disposent de moyens importants. Aux temps héroïques il n’en était pas de même.
Quelle merveilleuse bouffée de fraîcheur que ce récit épique du tour de France de 1910 ! Le règlement est draconien, obligeant les coureurs à se dépenser sans compter sur aucune aide extérieure. Malgré toutes les contraintes et mesquineries, les concurrents atteignent des résultats stupéfiants au regard de leurs moyens techniques. Tout y est difficile : le directeur, Desgranges, qui veut pour son journal du sang, de la sueur et des larmes, les coureurs qui parfois recourent au sabotage, le public passionné qui n’hésite pas à lancer des clous multipointes sur la chaussée, les conditions climatiques qui alternent froidure et canicule, les distances journalières à parcourir- plus de 400 km parfois : on part de nuit, on arrive à la nuit. Il ne s’agit plus d’une simple course, mais d’un combat de teigneux, de héros, de géants –Lapize, Faber, Lafourcade, Garrigou, Trousselier, Alavoine, des noms savoureux – où coule le sang, où se révèlent les personnalités et où la malchance est un acteur à part entière. En particulier les « perçures » (crevaisons).
Magnifique lutte humaine qui dépasse le simple cadre de la petite reine pour atteindre l’universel, aidée en cela par un art accompli du récit – textes placés au bas des cases comme dans les ‘’illustrés’’ de l’époque – qui passe avec humour des exploits historiques (première ascension du Tourmalet) aux détails d’organisation les plus infimes. Magnifiques aussi les illustrations parfaitement évocatrices de ces années-là avec leur crayonnés stylisés, leurs couleurs à majorité brunâtres et bleues. Première BD d’un auteur d’albums pour la jeunesse : un tour de passe réussi !