Dans un monde binaire qui ne connaît qu’une intelligence fonctionnelle et une sensibilité sommaire, Alain Finkielkraut interroge non le ciel mais la littérature pour accéder à la “perspicacité affective”. Il a choisi neuf oeuvres d’écrivains aussi différents que Kundera, Grossman, Haffner, Camus, Roth, Dostoïevski, James et Blixen pour illustrer ses thèmes favoris : l’horreur du totalitarisme qui érige le crime en moyen d’action légitime au service du bien décrété, l’oppression du groupe, la désillusion provenant du décalage entre rêve et réalité imprévisible, l’isolement auquel condamne l’orgueil et l’amour-propre…
Ces lectures qui s’enchaînent avec fluidité ont un double intérêt. Celui de dévoiler un sens qui nous restait partiellement caché à la première approche, même si l’analyse fouillée semble parfois subtile. En outre, à l’exemple des auteurs sélectionnés refusant tout manichéisme, Alain Finkielkraut invite à reconnaître en chaque homme, même traître, la dignité que confère la fugacité de la vie. Avoir un coeur intelligent, c’est préserver la fragile liberté humaine, garder mesure dans la révolte, échanger pour déchiffrer l’énigme du monde. Un ouvrage philosophico-littéraire riche de leçons humanistes comme les précédents (L’imparfait du présent : pièces brèves, NB juin 2002).