Marc-Antoine Muret appartient à la grande tradition humaniste du XVIe siècle, ce temps d’esthétisme et de reconstitution distanciée de l’Antiquité où s’affirme une conception voluptueuse de la Nature héritée du monde gréco-latin (fortement réprouvée par l’Église). D’abord professeur de poésie et de tragédie latine à Bordeaux, où il a comme élève le jeune Montaigne, il devient en 1551 régent du collège de Boncourt à Paris, où il sacrifie joyeusement sur « l’autel des cultes interdits ». Convaincu de sodomie, il s’enfuit de la capitale pour se réfugier à Toulouse, puis à Venise, et de là à Rome où, revêtant la soutane, il enseigne la philosophie et la rhétorique. À partir de cette vie de passion riche et contrastée, Gérard Oberlé (Retour à Zornhof, NB octobre 2004 ou Itinéraires spiritueux, NB novembre 2006) écrit l’autobiographie imaginaire d’une personnalité authentique, libre dans la connaissance comme dans l’amour, savant mélange de raffinement et de truculence, où se déploie un talent littéraire exceptionnel. Beau, juste, puissant, dépourvu de la moindre afféterie, ce texte reconstitue de façon magistrale le portrait d’un érudit qui mit toute son ardeur à jouir des voluptés de la vie, dans un siècle qui lui ressemble, « magnifique, inquiet, fécond et meurtrier ». Un petit chef-d’oeuvre.
Mémoires de Marc-Antoine Muret
OBERLÉ Gérard