Inutile de s’attarder sur les épisodes – très classiques – de trois siècles d’histoire d’une famille écossaise émigrée au Canada, celle de l’auteure (Fugitives, NB novembre 2008). Certes, la grande pauvreté d’une famille de fermiers dans une vallée retirée de l’Écosse du XVIIIe siècle, la décision d’émigrer, la traversée de l’Océan, l’installation dans le Grand Nord canadien, puis la succession des générations y sont présents. Mais l’intérêt du livre est ailleurs, et tout d’abord de n’obéir à aucun genre. Partie de quelques lointaines traces d’existences humaines dans les registres de paroisse, ou dans quelques cimetières écossais, Alice Munro nous mène au fin fond du comté de Huron (Canada) à l’époque contemporaine. Entre les deux, au gré d’une flânerie exclusivement rurale, d’innombrables arrêts sur images se font et se défont, d’importance et de styles variés, sans construction particulière, sur une foule de personnages de tous poils et de plusieurs générations. Il faudrait prendre le temps de savourer ce texte étrange et chacune de ses nombreuses séquences, à la fois historiques, ethnographiques, romanesques, intimistes, mais si grands soient le talent et la finesse de l’écriture, un certain ennui, mêlé de mauvaise conscience, s’invite parfois.
Du côté de Castle Rock
MUNRO Alice