On le devine tout de suite, toute ressemblance de ce livre avec des faits réels n’est absolument pas l’effet du hasard. La ville martyre de Kaufphur décrite ici est de toute évidence la transposition de celle de Bhopal et de la catastrophe écologique de sinistre mémoire dont elle fut le théâtre. Le roman tout entier est un énorme cri de colère et d’indignation contre l’irresponsabilité et le cynisme des industriels “amricains”. “Animal” est un jeune garçon difforme plein de gouaille et d’autodérision qui vit à quatre pattes depuis que le nuage toxique a semé mort et infirmités. C’est à travers ses yeux que sont contés le combat courageux de ce pittoresque peuple des bidonvilles et le dévouement d’une femme médecin au grand coeur. Le site est resté en l’état, les poisons se sont infiltrés dans le sol et l’eau et continuent leurs ravages. Il s’agit d’arriver à traduire les coupables devant un tribunal indien. Une véritable lutte du pot de terre contre le pot de fer ! Le héros, très travaillé par sa sexualité, a un verbe haut en couleurs, cocasse mélange de hindi, “inglis” et français approximatif. Brossée à grands traits par un auteur anglo-indien, cette épopée baroque a des accents parfois surréalistes. L’extrême misère des héros et l’ampleur du désastre prennent aux tripes. Un livre fort.
Cette nuit-là
SINHA Indra