Héros emblématique et récurrent des romans de Javier Marías, Jack Deza, agent des Services Secrets britanniques, démasque les suspects, entre dans leur subconscient, anticipe leur comportement. Faisant suite à Danse et rêve (NB août-septembre 2007), ce dernier opus renoue avec les mêmes protagonistes, les mêmes thèmes. Maintenant, de Londres à Madrid, l’espion ne prévoit plus, il épie, découvre les effets pervers de ses présages : la violence, la trahison (celle de sa femme), ce poison destructeur. La mort de son père et de son professeur après des révélations sur la période franquiste et la seconde guerre mondiale l’obligent à réorienter sa vie.
Ici, pas d’intrigues spectaculaires, mais une analyse psychologique subtile et parfois hermétique de situations où des personnages aux identités instables, démultipliées, deviennent les ombres d’une réalité indéchiffrable. En leitmotiv reviennent les obsessions de Javier Marías : le temps, la mort, la lente décomposition du « moi ». Avec talent, le narrateur manipule le lecteur : les mots jouent avec lui, le submergent, l’envoûtent, s’articulent en une écriture sophistiquée et érudite le contraignant à une fusionnelle complicité. Dans cet ultime volume, le plus sombre du triptyque Ton visage demain, le récit, ou l’autofiction, révèle un romancier qui écrit pour survivre.