Ă la fin du XIXe siĂšcle, Victor Collin de Plancy, est chargĂ© dâaffaires français en CorĂ©e. Au hasard dâune visite au palais, il sâĂ©prend dâune danseuse attachĂ©e dĂšs lâenfance Ă la cour corĂ©enne encore trĂšs fĂ©odale. Habile diplomate, il rĂ©ussit Ă se faire « offrir » cette jeune servante par le roi. Li Chin quitte alors avec lui son pays pour les salons parisiens oĂč sa beautĂ©, son intelligence et son charme exotique font sensation. HabillĂ©e Ă lâoccidentale, selon la derniĂšre mode, elle y rencontre, entre autres, Emile Guimet et Guy de Maupassant, se cultive, danse la valse, brode de superbes Ă©ventails et travaille aux premiĂšres traductions en français dâouvrages corĂ©ens. NĂ©anmoins, aprĂšs lâexcitation des premiers mois, lasse dâĂȘtre un objet de curiositĂ©, la voici gagnĂ©e par la mĂ©lancolie et le mal du pays, dâautant que son compagnon, contrairement Ă sa promesse, ne lâa pas Ă©pousĂ©e. DĂ©sorientĂ©, moins amoureux, le diplomate la ramĂšne en CorĂ©e, mais dans le chaos politique du pays envahi par les Japonais, lâĂ©tat psychique de la jeune CorĂ©enne ne fait quâempirer.
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Avec pour point de dĂ©part un livre relatant le retour Ă Paris dâun diplomate français, « flanquĂ© » dâune danseuse de la cour de CorĂ©e, cette fiction de facture trĂšs classique sâinsĂšre bien dans le contexte de cette pĂ©riode charniĂšre pour lâAsie. La CorĂ©e nâĂ©tait-elle pas la proie des appĂ©tits commerciaux des puissances occidentales, du Japon et de la Chine avec pour enjeu lâopium ?
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Quant Ă lâhistoire dâamour, elle est relatĂ©e avec une trĂšs grande finesse psychologique dans lâesprit et le style de lâĂ©poque oĂč lyrisme, retenue et cynisme se cĂŽtoyaient. Lâensemble est Ă©tayĂ© par une prĂ©face de lâauteur et par une postface des traducteurs qui explicite les faits. Autour dâune pĂ©riode historique rarement traitĂ©e, Li Chin est une merveille de dĂ©paysement oĂč histoire, ethnologie, romantisme et poĂ©sie forment un tout trĂšs habilement orchestrĂ© grĂące au grand talent de conteuse de Shin Kyung-sook.