« Le plus grand architecte du monde »… Ainsi s’autoproclame Frank Lloyd Wright, avec un aplomb convaincant, sans doute justifié. Personnalité solaire, dessinateur génial, travailleur obstiné, esthète séducteur, il subjugue les femmes. Quatre d’entre elles, épouses et maîtresses, jouent dans sa vie un rôle prolongé. Les trois dernières auront le privilège d’habiter Taliesin, dans le Wisconsin, phalanstère laborieux et fascinant, deux fois incendié et deux fois reconstruit, où cohabitent le maître, sa famille, ses élèves, ses domestiques, ses aides. Le narrateur est un Japonais, apprenti supposé du maître dans les années trente : plausible, étant donné les liens de Wright avec le Japon et son séjour à Tokyo (avec une hystérique maîtresse). Ses notes malicieuses de bas de page lui ajoutent une sympathique présence. Le lecteur, subjugué à son tour, remonte avec lui dans le temps, suit la geste de ces amours tumultueuses jusqu’à la tragédie, voit ressusciter ces caractères qui planent au dessus des lois, des nains et des médiocres -créanciers, reporters à l’affût des scandales, voisins haineux : la société toute entière, en somme, puritaine et hypocrite ! Le récit volcanique flamboie jusqu’aux dernières pages, savamment architecturé par le savoir-faire d’un maître du roman américain.
Les femmes
BOYLE T. Coraghessan