L’islam, religion naguère tolérante, foyer de culture traversé de courants, d’écoles, d’hérésies comme les autres religions “du Livre”, est-il désormais condamné à l’islamisme radical, au terrorisme « djihadiste » ? Pour Nadine Picaudou, professeur à l’INALCO et à la Sorbonne, seule une approche scientifique, historique et sociologique des relations entre les composantes religieuse, sociale et politique de l’islam permet d’en éclairer les fondements et l’évolution doctrinale, l’enracinement, les rapports avec les gouvernants.
En suivant son étude exceptionnellement documentée, d’un haut niveau de synthèse et de réflexion, on découvre la richesse du fonds culturel et spirituel du « monde » musulman et les grandes périodes historiques qui l’ont façonné, les alternances de fondamentalisme et de réformisme, l’émancipation de l’État civil par l’action des Jeunes Ottomans et du Kémalisme, puis la tentative de transformation de l’islam en idéologie par les Frères musulmans, dont sont issus de nombreux mouvements radicaux. Pour le lecteur non-spécialiste, le prix de cette magistrale leçon d’anthropologie est d’abord celui d’une constante concentration, d’un apprentissage linguistique assisté par un glossaire heureusement pédagogique, d’une accoutumance au langage sociologique, d’un effort de mémorisation. Mais il est gratifiant : l’auteur a réussi un pari ambitieux, son message est empreint de respect, d’équilibre et de prudence.