C’est par une plongée immédiate en enfer que s’ouvre le récit d’Ingrid Betancourt, l’otage des FARCS de Colombie, dont tout le monde a suivi la séquestration pendant près de sept ans. Elle vient de faire sa deuxième tentative d’évasion et se retrouve enchaînée, dans une cage, privée de tout contact. Elle raconte son enlèvement, la vie quotidienne au fil d’incessants déplacements, les marches épuisantes dans la jungle, les violences infligées par des geôliers pervers, experts dans l’art de fomenter animosités et jalousies entre co-otages.
Le coeur de ce témoignage ne porte pas tant sur l’organisation des FARCS, les amitiés et inimitiés qui se font et se défont, que sur un dialogue intérieur, la lutte quotidienne que l’otage, consciente de ses faiblesses, entreprend pour ne pas se laisser déshumaniser et envahir par sa propre haine, malgré la déchéance physique et les humiliations. Surmédiatisée depuis sa libération, Ingrid Betancourt a aussi été très critiquée. Ce livre fort, au style sobre et direct, convaincant et dépourvu d’auto-complaisance, arrive à point et se lit d’un trait. Il ne vise pas la réhabilitation, mais il permet d’entrapercevoir ce qu’est la vie d’une prisonnière réduite en esclavage, et rejoint d’autres grands témoignages qui viennent interpeller notre conscience.