Wiera Gran est juive et polonaise. Chanteuse dans un cabaret du ghetto de Varsovie, elle connaît alors son heure de gloire. Sa fuite en 1942 et sa survie sont le prologue d’une vie détruite, empoisonnée par la suspicion. Toute son existence, elle traînera derrière elle une réputation – fondée ou pas – de « pute gestapiste ». Après un bref séjour en Israël, elle s’installe en France dans les années 1950. Sa carrière brisée, elle termine ses jours dans la plus grande solitude, aux portes de la folie et meurt en 2007.
Agata Tuszyńska mène une enquête très poussée sur le passé de Wiera Gran. Malgré son empathie pour la chanteuse, elle ne cesse de douter. Beaucoup d’interrogations demeurent, les témoignages divergent. Les témoins, tous survivants de l’Holocauste, sont-ils eux-mêmes irréprochables, le pianiste Spilzman entre autres ? Le récit, assez embrouillé et encombré d’une profusion de noms polonais inconnus, réussit pourtant à rendre cette femme acariâtre et paranoïaque presque sympathique. Mais le plus grand intérêt du livre, c’est cette réflexion, étroitement mêlée à la biographie de l’héroïne, sur la crédibilité des survivants, l’imprécision ou le manque de documents. On mesure à quel point tout jugement objectif sur cette époque terrible est un leurre.