Rien de plus précieux que le repos

BENAHMED DAHO Yamina

En 1863, dans une plantation de coton du sud des États-Unis, un groupe d’esclaves travaille au service d’un maître. Un jour, Tommy, les pieds entravés, fait rouler un chou pour se distraire. Le jeu du chou est inventé ! Au lieu de l’interdire, le maître, diabolique, organise un spectacle à son profit : des matches et des paris sur les gagnants pour distraire et faire payer les planteurs voisins. Quand « son » équipe, celle de Tommy, perd, la sanction tombe, féroce, injuste.

Rien de plus précieux que le repos est une fable belle et limpide, inscrite dans l’Histoire : la fin de la guerre de Sécession et de l’esclavage noir aux États-Unis. Une fable dont les personnages sont dessinés de manière à incarner des types humains et des rapports de force : opposition ou solidarité. Le jeu où chacun déploie des qualités d’adresse et de stratégie pour la victoire de tous sert de révélateur, restaure la dignité volée et donne le courage de se révolter. La violence des engagements militaires, la brutalité de l’esclavage sont évoquées sans fard, avec justesse et sobriété, à la manière du Candide de Voltaire. La question centrale de l’exploitation des hommes jusque dans leur temps de repos — corps contraints par les chaînes qui les entravent — est mise en lumière dans le titre qui évoque une aspiration fondamentale : celle du temps pour soi, niée par le statut d’esclave.

La fiction imbrique deux récits. Passionnée de football, la romancière invente le jeu du chou, commente, en connaisseur, les performances des joueurs, et en fait le moteur de la libération de ses personnages qui retrouvent, dans le jeu collectif, dignité et pugnacité. Nourrie de western, elle brosse, dans le prologue, le portrait plein d’humour et de fantaisie d’un médecin militaire revenu de la guerre et des hommes, vieux « cow-boy » misanthrope qui a choisi la solitude et, faute de mieux, la compagnie d’un âne qu‘il gratifie d‘une dent en or, pour le récompenser de sa loyauté !

Dans le conte — sinon dans la réalité — tout est possible et tout finit bien ! Délibérément optimiste, Yamina Benahmed Daho donne à son roman un épilogue heureux : une fête de la fraternité, digne des utopistes du XIXème siècle, qui n’affadit pourtant pas le propos. Enfin l’écriture volontairement contemporaine (celle des dialogues en particulier) favorise une lecture de ce texte au-delà du cadre historique précis dans lequel il est inscrit.