De ses soixante classeurs de trois cents pages de notes prises en continu, Nizon publie rĂ©guliĂšrement des pages choisies. RĂȘves, amours, rĂ©flexions, soucis, angoisses, rencontres, rappels du passĂ©, voyages, flĂąneries urbaines, romans en cours (Chien, NB novembre 1998)⊠Une jolie femme dans lâautobus, lâarrivĂ©e du printemps, les ruines de Tipasa, un film, les campus universitaires amĂ©ricains, des clochards, un marcheur mystĂ©rieux, la mort des amis et les souvenirs affĂ©rents⊠Lâhomme se dessine, libre avant tout, un chien errant, dit-il, qui va sans but, conduit par ses impulsions.
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En Ă©crivant, Nizon sauve sa vie de la rĂ©alitĂ© impassible, fugace, de la banalitĂ© mortifĂšre du quotidien ; il revient sur des parcelles dâexistence qui ont continuĂ© en lui leur chemin, propagĂ© leurs vibrations, il les enserre dans le filet des mots et les fait naĂźtre en littĂ©rature dans une prose musicale et dĂ©pouillĂ©e, souvent retravaillĂ©e sans que les outils aient laissĂ© leurs traces. Ainsi, au fil des pages, comme il visiterait un atelier dâartiste, le lecteur est-il invitĂ© Ă voir naĂźtre une oeuvre et Ă y Ă©duquer son oeil intĂ©rieur, sinon Ă devenir le « voyant » tel que voulait lâincarner Rimbaud !