Trois voies conduisent du chaos sonore au sens musical du « Grand RĂ©cit du Monde » : d’abord le mythe d’OrphĂ©e, du bruit Ă la musique avec l’accompagnement de la MĂšre MĂ©moire, ensuite la voix humaine, du langage Ă la connaissance et aux sciences, enfin le verbe biblique incarnĂ©. C’est toute une philosophie de la musique que propose Michel Serres. Dans cet essai, trĂšs diffĂ©rent du prĂ©cĂ©dent (Temps des crises, NB. janvier 2010), il jongle en Ă©voquant de multiples langages complexes : ceux de la musique, de la communication verbale, l’agencement de l’Ă©criture, du code gĂ©nĂ©tique, de la biochimie ou des galaxies…
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Au fil des pages, les grandes envolĂ©es lyriques Ă©moussent l’intĂ©rĂȘt. Comme dans la musique baroque, le philosophe gourmand de mots ne craint pas les rĂ©pĂ©titions. Et quand le lexique ne lui suffit plus, il nĂ©ologise. Son Ă©criture mĂ©lopĂ©e, litanique, se focalise sur la mĂ©lodie des phonĂšmes, mais beaucoup moins sur le sens de la phrase. On risque alors de se perdre dans le doux chaos de cet ouvrage, en se laissant bercer par la mer toujours recommencĂ©e du rĂ©cit. Un jeu littĂ©raire Ă©blouissant… et bien souvent aveuglant.