Angèle a ses habitudes. À son âge le coeur du temps bat lentement : courtes nuits et longues journées. Aux douze coups de midi, son coeur à elle s’emballe : vieille femme entre en attente. Elle a quotidiennement une visite qui la métamorphose et comble le vide de ses jours. Jusque là rien d’anormal – mais celle qu’Angèle accueille et dorlote, celle avec qui elle joue et bavarde avec tendresse, c’est elle-même, la petite Angèle d’autrefois. Jean, son fils, l’entoure avec amour. Que peut-il contre la fuite inexorable de la réalité ? Alors, comme on le ferait avec un petit, il entre dans son jeu.
C’est avec pudeur et émotion que Raphaële Fier évoque le grand âge et les fugues de la raison. Rien d’alarmant ni de terrifiant dans ce constat, et qui mieux que les enfants pourrait entrer en phase avec ce monde « intermitemps » qui redonne du goût au quotidien de la vieille dame. Cette visite imaginaire colorie avec douceur et bonheur une réalité fade qui n’en peut plus d’étirer ses heures et dans lequel elle ne trouve plus ni joie ni utilité. Une autre vision de ce qui nous, les adultes, nous fait parfois tant souffrir. Ici la poésie remplace le diagnostic. Poésie soulignée par la peinture à l’huile de Teresa Lima, qui sert parfaitement le sujet et fait s’évader dans un monde sans carcan.