Le Comte vit bien, grâce aux revenus que lui procurent ses bateaux dans le commerce négrier triangulaire. Et pourtant, passionné par les idées des philosophes, il est prêt à militer pour la suppression de l’esclavage. Empêtré dans ses contradictions, il délaisse sa jeune épouse oisive et esseulée, la Comtesse Éponyme, dont le souci premier est de satisfaire ses fantasmes sexuels après les avoir narrés à sa chienne Fragonarde.
C’est l’occasion pour l’auteur d’offrir quelques propos rabelaisiens et crus contrastant étonnamment avec les décors et les mises raffinées des personnages. Joann Sfar s’est fait plaisir avec cette scénographie du siècle des lumières à contre courant des enseignements politiquement corrects. À travers quelques personnages étonnamment expressifs et dont il se moque avec sa fantaisie habituelle, grâce à son graphisme faussement négligé qui bouscule les décors baroques, et aux jeux multiples de couleurs vives qui savent traduire les ambiances, il réalise un album joyeux, libertin, et irrespectueux envers les “lumières”. Une sorte de bulle de savon chatoyante pour adultes dont on ne sait trop où elle atterrira dans les deux tomes à venir.