Curtis dans la langue de Pouchkine

Curtis, raconte sa soeur, naît aux États-Unis en 1937. Alors que sa famille noire milite pour la reconnaissance des droits civiques, il connaît un étrange destin. Sa mère ayant longtemps travaillé chez un Russe riche et solitaire, Curtis a parlé tout enfant la langue de ce mentor bienveillant et développé une rare sensibilité littéraire. Ses talents le conduisent au Ghana puis à Moscou, où la découverte éblouie de manuscrits clandestins d’un certain Klikov bouleversent sa vie. Il se voue à la reconnaissance du génial écrivain. Dans l’URSS de Khrouchtchev, l’entreprise est dangereuse et son enthousiasme généreux le mène à quelques écarts…

Avec une aisance romanesque affectueuse, volontiers ironique – la fiction du récit par la soeur favorise ce ton – Nicolas Texier (Pôle Sud, NB octobre 2008) fait circuler son héros dans la réalité complexe de l’Amérique des années 1960, agitée par les révoltes raciales, dans l’univers moite du Ghana louvoyant entre Occident et URSS, dans l’étroitesse surveillée de la vie moscovite. Derrière les réflexions, impressions, sensations de Curtis, derrière ses amitiés et ses amours touchantes, comiques, tragiques à l’occasion, affleurent de grands thèmes : racisme, exil, solitude ; écriture, littérature, censure, plagiat… Tous ces éléments mêlés, le roman parvient à une rare densité.