Loin d’où

COZARINSKY Edgardo

1945, la défaite est proche. « Elle » tenait les fichiers des déportés d’Auschwitz pour la Wehrmacht. La peur au ventre, elle traverse l’Europe dévastée, avec un faux passeport juif et un butin de dents en or. Enfin réfugiée anonyme à Buenos Aires, elle vivote et chérit l’enfant né d’un viol, espérant expier l’abandon de sa fille en Pologne. En grandissant, le garçon cherche vainement à savoir ce que sa mère veut oublier. Plus tard, compromis par un bref engagement révolutionnaire, il fuit en Europe, sans se fixer nulle part, comme le Juif errant qu’il croit être.

 

Scénariste et écrivain argentin, juif originaire d’Ukraine, Edgardo Cozarinsky pose des questions troublantes. Peut-on s’enraciner quand on est loin d’où ? Le thème de l’identité était déjà présent dans La Fiancée d’Odessa (NB décembre 2002). Ici, l’auteur ne donne pas de nom à une ex-nazie apatride qui fait de ses enfants des étrangers, sans passé ni héritage culturel. Elle est absente, incapable de s’interroger sur la distinction entre bien et mal. D’ailleurs, la frontière est-elle toujours claire ? Ce roman sombre retient d’autant plus que l’écriture est sobre, détachée, et qu’en filigrane défilent les événements historiques du demi-siècle photographiés par un communiste !