C’est à Berlin-Est, où elle née en 1957, que Kornelia, interprète à la prison, vit avec sa fille adoptive, son père et son compagnon. Elle flotte sans repères, entre critique paradoxalement nostalgique du passé totalitaire et inadaptation au présent libéral. Le vol de son vélo et la conduite au poste de sa fille coupable d’un chapardage de chewing-gum la décident à déménager. Elle s’installe à l’Ouest chez sa belle-mère, là où liberté et consumérisme sont “innés”. Moins contenu, son malaise demeure, change de ton et de rythme, devient débridé, fébrile et calculateur. L’auteur sous-titre « roman rose » cette Mélancolie vandale. Ce rose omniprésent, délavé, électrique, plastique, saucisse, crépi de prison… n’est jamais tendre. Mais détonant, rageur, parfois écoeurant. Dans Honecker 21 (NB septembre 2009) Jean-Yves Cendrey mettait en scène un homme ordinaire dépassé par sa brillante épouse. Ici, le narrateur prête une impitoyable plume à son héroïne si dépourvue d’individualité qu’elle utilise un « on » impersonnel pour se raconter. Le procédé donne une dimension sociologique à l’histoire, mais la lecture en est moins aisée. Berlin, évoqué avec quelques belles fulgurances, sur le mode réaliste ou symbolique, est le véritable personnage de ce roman noir, cru et dur.
Mélancolie vandale
CENDREY Jean-Yves