Avant, les vers de terre mangeaient des cacahuètes, les oiseaux mangeaient les vers, et les chats les oiseaux. Un jour, un ver très énervé par cette injustice (personne ne mangeait les chats) en mangea un; par l’évolution habituelle de la chaîne alimentaire, un chat se retrouva avec dans le ventre le chat mangé par le ver : cannibalisme que son estomac refusa tout net: il explosa. Et après, ce fut un sacré bazar, chacun mangeait un peu n’importe quoi, jusqu’au jour où tout le monde se mit à manger des cacahuètes: sans doute était-ce le plus sûr.
Inutile de chercher la rationalité dans cette histoire surréaliste. On aime s’y plonger avec délices, entraîné par les animaux aux formes stylisées et ludiques et aux couleurs fraîches. Le parti pris d’accumulation dans les images, allant jusqu’à la confusion voulue, amuse ; celui des textes nécessite d’aimer rire des phrases interminables et répétitives, incompréhensibles dans leur énumération, drôles dans leur absurdité. Mais la fin, toujours délicate dans le non-sens, déçoit après une mise en bouche réussie.