En 1946, à vingt-deux ans, la journaliste américaine Paula Fox devient barmaid pour visiter l’Europe. Il est moins question de Londres, en cette période de privation et de reconstruction, que de ses hôtes, vagues relations sans relief particulier. Paris qu’elle rejoint ensuite est abordé avec la même fraîcheur déconcertante : elle s’y promène, rencontre d’anciennes connaissances, mais rien de la réalité de la ville meurtrie n’affleure dans son récit. À Varsovie, où l’envoie une petite agence de presse pour « traiter de couleur locale » (sic), la réalité du froid réussit à s’imposer. L’émotion perce, teintée de dégoût. Barcelone, berceau de ses ancêtres, la réchauffe un peu : on y remarque ses cheveux blonds… C’est à quatre-vingt-cinq ans que Paula Fox (Côté Ouest, NB décembre 2007) entreprend de rédiger des souvenirs de ces voyages. Mais qu’allait faire cette jeune personne en Europe à l’époque ? Rien de ce qu’elle voit ne semble atteindre son cerveau. Que dire des leçons qu’elle en tire à soixante ans de distance ? Pourtant cette cécité naïve et ces pages d’une aimable et persistante vacuité n’ont rien d’antipathique.
L’hiver le plus froid : une jeune Américaine en Europe libérée
FOX Paula