Meursault, jeune homme vivant à Alger du temps de l’Algérie française, reçoit un télégramme lui annonçant la mort de sa mère. Sous une chaleur accablante, il se rend à l’hospice où elle a fini ses jours. Après une veillée mortuaire déprimante au milieu des amis décatis de sa mère et un enterrement aussi bâclé que vide d’émotion, il rentre chez lui épuisé. Le lendemain, le hasard des rencontres met sur son chemin Marie, une ancienne collègue. Ils vont nager, passent la soirée au cinéma puis deviennent amants. Plus tard, il rédige à la demande de Sintès, un voisin analphabète et proxénète, une lettre pour attirer son ancienne maîtresse dans un traquenard. Un dimanche de printemps, dans la joie et la plénitude, il est à la plage avec Marie et des amis. Par un malheureux enchaînement de circonstances, il tue un jeune Arabe et sa vie bascule. La découverte de l’univers carcéral et judiciaire, la rencontre avec son avocat commis d’office, les confrontations et les questions intrusives enflammées du procureur sur sa culpabilité et sa repentance ne font que l’ennuyer. Il ne transige pas avec la vérité, sa vérité. Peu lui importent les dérives des débats, les préjugés du procureur qui l’emportent sur les faits et les tentatives de l’aumônier qui, dans une ultime confrontation, veut sauver son âme à tout prix. Meursault reste « étranger », spectateur de l’absurdité du monde qui l’envoie à la guillotine. Ce roman graphique tiré de l’oeuvre de Camus en respecte la chronologie, la beauté et le caractère dramatique, déroulant inexorablement cette tragédie. Le dessin clair et typé et la mise en page – où les aquarelles douces et allusives alternent avec des cases organisées et plus sombres – mettent bien en évidence le fait que, même dans ce pays béni des dieux, baigné de soleil, de lumière et de sensualité, l’absurde, le racisme et le parti pris ne permettent pas à l’homme de dépasser sa condition de solitaire et de mortel. Cet album de 134 pages à la facture soignée est une très bonne occasion de lire ou de relire le plus célèbre roman de Camus, de redécouvrir son personnage confronté à l’absurdité du monde. « Malheur à l’homme qui n’a pas pleuré à l’enterrement de sa mère », en disait Camus…
L’étranger d’après l’oeuvre d’Albert Camus
FERRANDEZ Jacques