Trois grands fauves

familiale d’Arcis-sur-Aube. Réchappé de la mort, à deux reprises il est piétiné et défiguré par des animaux furieux ; aussi, la vérole s’y ajoutant, est-ce une gueule cassée dotée d’une carrure impressionnante qui « monte » à Paris pour devenir avocat. Danton découvre alors son pouvoir de séduction sur les foules et les femmes, puis la révolution font de lui le tribun que l’on connaît. Quarante trois ans plus tard, Victor Hugo, né prématuré, rêve d’immortalité. Comme pour se jouer du destin il déborde de vitalité et déploie son énergie, son intelligence et sa créativité au détriment de ses quatre enfants dont aucun ne lui survit. Quant à Churchill, jouer à la guerre dès l’enfance lui apprend à devenir un fin stratège pour mener les nations vers la paix ; un succès et une puissance qui ne lui permettent pourtant jamais d’oublier le petit garçon blessé par le mépris et l’indifférence de son aristocrate de père. Inhumains, surhumains, trop humains ? Quel fil rouge relie ces trois personnages que tout oppose ? De livre en livre, Hugo Boris semble prendre un très malin (!) plaisir à passer d’un genre romanesque à un autre : entre voyage spatial avec Je n’ai pas dansé depuis longtemps et voyage dans le passé… voilà un grand écart réussi avec brio ! L’originalité ici réside dans la facture des portraits présentés – habile assemblage qui fait surgir les facettes inattendues de trois monstres sacrés rapprochés en toute liberté dans un triptyque passionnant. Il illustre, avec son lot savamment dosé d’inventivité et de documentation toutes les pulsions et addictions, scories et étincelles, candeur et panache, tout l’égoïsme monstrueux et la folle générosité de ces forces de la nature qui marquent l’imaginaire. Le récit anecdotique des épisodes historiques reconstitués, comme pris sur le vif d’un habile coup de crayon, est tout à la fois elliptique et évocateur, jamais pédant. Une écriture, aussi surprenante qu’élégante, confère ses lettres de noblesse à cette façon très ébouriffante d’aborder l’histoire. Une leçon d’humanité !